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Photo du rédacteurEssentielZen_C. Tourgeman

REGULER SES EMOTIONS GRACE A LA RESPIRATION

Gestion du stress, lutte contre l'insomnie, régulation des émotions, diminution des ruminations… Savoir bien respirer apporte un véritable avantage pour vivre mieux. Alors, comment sʼy prendre ?


Nouveau-nés, nous entrons dans la vie par une grande inspiration. Et nous quittons l’existence en rendant notre dernier souffle, dans une ultime expiration. Le terme « expirer » est même, dans de nombreuses lan­gues, un équivalent de « mourir ». Voilà pour­quoi, depuis toujours, les humains associent le souffle à la vie. Et à son corollaire, le bon fonc­tionnement du corps et de l’esprit.

Bien avant notre ère, l'Orient accordait une place privilégiée à la respiration, considérée comme l'une des manifestations d'une sorte d'énergie, de "fluide vital" irriguant notre corps : les Chinois nomment cette énergie Qi et les Hindous Prana. Très tôt apparaissent aussi des conseils pour moduler sa respiration et influencer le cours de sa santé et de sa spiritualité. Le yoga Pranayama ("rétention du souffle") considère la respiration contrôlée comme un moyen pour accroître sa longévité. En Occident, au XXème siècle, apparaissent des pratiques de pacification du corps et de l'esprit comme les méthodes de relaxation, de sophrologie ou de méditation, qui s'appuient également sur la respiration.


LE CORPS INFLUENCE L'ESPRIT

Que les émotions influencent le corps, nous le savons tous. Quand nous sommes heureux, les coins de notre bouche se soulèvent automatiquement et les bords de nos yeux se plissent pour former un sourire. De même, lorsque nous sommes apaisés et en sécurité, notre respiration ralentit et s’approfondit. Nous sommes alors sous l’influence de notre système nerveux parasympathique, qui produit un effet relaxant. À l’inverse, lorsque nous avons peur, lorsque nous souffrons et sommes tendus, notre respiration devient plus rapide et superfi­cielle. C’est le système nerveux sym­pathique qui s'active, responsable des réactions de l’organisme au stress.


Mais beaucoup ignorent que l'influence inverse s'exerce aussi : le corps influence l'esprit. De nombreux tra­vaux attestent que lorsque nous faisons volontairement sourire notre visage, nous ressentons davantage d'émotions positives. Et la respiration a également un pouvoir tout particulier sur notre esprit. Ce pouvoir est manifeste chez les patients victimes de difficultés respiratoires. Selon leur nature, elles peuvent ainsi déclencher des crises de panique ou induire une anxiété plus sourde. Près d'1/3 des personnes souffrant de bronchite ou d'asthme ont des troubles anxieux ou dépressifs dont une partie est due à des facteurs purement mécaniques : la gêne respiratoire les pousse à accélérer leur respiration, ce qui amplifie leurs troubles psychologiques.

 
De plus en plus d’études cliniques montrent que les techniques de respiration sont efficaces contre l'anxiété et l’insomnie.
Ces techniques agissent à la fois sur des paramètres physiologiques, stimulant le système nerveux dit «parasympathique», et sur des facteurs psychologiques, détournant l’attention des ruminations mentales.
Simples, sans danger, validées par la science, elles gagneraient à être davantage recommandées et utilisées.
 

De façon générale, une respiration rapide engendre de nombreuses sensations de stress et d’anxiété. Elle peut aussi favoriser les crises de panique par un phénomène de cercle vicieux : la peur provoque l'accélération de la respiration, qui à son tour augmente la peur. C'est le cas dans certaines conduites phobiques.


LES EFFETS BENEFIQUES DE LA RESPIRATION

Heureusement, la respiration peut aussi avoir des effets bénéfiques. Nous disposons ainsi de diverses techniques permettant de dissiper le stress et de s'apaiser : des exercices de respiration consciente où l'on focalise son attention sur son souffle comme dans la méditation de pleine conscience, des exercices de respiration alternée issus du yoga, ou encore des techniques de respiration profonde comme celles privilégiées en sophrologie : respiration abdominale -parfois associée à des pensées ou à des images rassurantes- , respiration rythmée, ou encore la technique de cohérence cardiaque.

La respiration est l’énergie solaire du monde de la relaxation. C’est un instrument de régulation émotionnelle gratuit, inépuisable, facile d’utilisation.

DES TECHNIQUES VALIDÉES PAR LA SCIENCE

Les travaux scientifiques démontrent que l'ensemble de ces techniques diminuent l’anxiété. Elles appliquent des principes à l’efficacité reconnue qui visent à ralentir, à approfondir ou à faci­liter la respiration, mais aussi à l'utiliser pour diminuer le flot des pensées négatives en focalisant son attention sur son souffle.


LIEN RESPIRATION-ESPRIT

Ainsi, les mécanismes sont à la fois neurobio­logiques et psychologiques. Une respiration lente et profonde active le système parasympathique et stimule notamment le nerf vague qui contrôle et mesure l’activité de nombreux organes internes. Le calme se répand alors dans l’organisme : la fréquence cardiaque ralentit et se régularise, la pression artérielle baisse, les muscles se détendent. Ces informations sensorielles sont transmises par le nerf vague au cerveau qui s'apaise à son tour.

C'est sur la base de ce mécanisme que reposent les techniques de respiration contrôlée comme celles utilisées en sophrologie par exemple, ou en cohérence cardiaque.


DEUX EXEMPLES DE RESPIRATION CONTROLEE

Parmi de nombreuses techniques de respiration, on peut citer deux exercices de respiration abdominale rythmée :

- respirer 6 fois par minute : inspirer sur 5 secondes et expirer sur 5 secondes (soit un cycle respiratoire complet de 10 secondes - à pratiquer 3 fois par jour pendant 2-3mn puis 5 mn une fois la respiration apprivoisée) -- à cette cadence précise le rythme cardiaque se stabilise et permet d'abaisser l'anxiété ;

- respirer en allongeant le temps de l'expiration : par exemple inspirer sur 3 secondes et expirer sur 6 secondes - cette technique peut procurer un effet plus apaisant car le rythme cardiaque ralentit davantage sur le temps de l'expiration ; de plus, la phase expiratoire correspond à la phase de relâchement du diaphragme, souvent spasmé en cas de stress.


Plusieurs études ont récemment découvert que l'effet de la respiration lente et profonde sur nos émo­tions passerait également par le système nerveux central et que le souffle aurait aussi un impact direct sur le cerveau. Cette respiration contrôlée apporterait davantage d'oxygène aux neurones et les rendrait moins excitables, notamment dans les zones impliquées dans l'anxiété.

Si ralentir intentionnellement le souffle a un impact positif sur notre état émotionnel, la seule focalisation de l'attention sur la respiration aurait également un effet pacificateur sur le stress et les émotions négatives. En effet, porter son attention sur son souffle a tendance à inciter à le ralentir. En outre, une telle focalisation permet aussi de diminuer ses cogitations ou pensées parasites.


QUAND PRATIQUER CES RESPIRATIONS ?

A quels moments ces respirations sont-elles le plus utiles ? En premier lieu, en cas de stress ponctuel (avant un examen, une épreuve sportive ou une prise de parole en public). Elles sont également indiquées en cas d'insomnie car elles permettent de s'endormir plus rapidement et de réduire les éventuels réveils nocturnes. Les études montrent que cette amélioration est non seulement due à l'effet apaisant provoqué par l'activation du système parasympathique, mais aussi à l'effet anticogitation de la focalisation de l'attention sur la respiration.

Ces techniques respiratoires ont par ailleurs démontré leur efficacité pour soulager l'anxiété chronique, notamment dans les conduites phobiques ou dépressives.

Elles peuvent aussi nous aider au quotidien pour nous libérer des tensions corporelles liées au stress : à différents moments de la journée, il suffit de profiter d'un instant de pause ou de transition entre deux activités pour ajuster notre posture et effectuer quelques minutes de respiration lente et profonde. Certaines recherches ont révélé que la pratique régulière d'exercices de respiration nous permet d'améliorer notre résistance au stress, outre le fait d'obtenir un apaisement instantané.  Par l'entrainement, nos circuits neuronaux se modifient grâce à la neuroplasticité du cerveau.


RESPIRER EN CONSCIENCE POUR MIEUX SAVOURER

L'intérêt de ces techniques de respiration consciente et contrôlée ne se limite pas aux émotions désagréables, mais s'applique également aux bons moments : elles permettent alors de mieux apprécier et inscrire ces derniers dans notre mémoire.

Prendre quelques instants pour respirer en conscience nous aide donc non seulement à nous calmer mais aussi à savourer. A noter toutefois qu'il est préférable que ces pratiques soient transmises et supervisées dans un premier temps par un professionnel, notamment dans le cas de personnes sujettes à des crises d'angoisse liées à la perception de signaux corporels internes. En effet, porter son attention sur ses phénomènes physiologiques peut éventuellement majorer l'anxiété car on peut avoir l'impression que sa respiration est irrégulière ou s'imaginer à tort que ses battements cardiaques sont des palpitations anormales.


Par conséquent, pour mieux réguler nos émotions et éviter leurs conséquences négatives sur notre santé, il s'avère particulièrement utile de s'accorder chaque jour 2 ou 3 courtes séquences de respiration consciente, voire contrôlée. Notre respiration est en effet un outil naturel simple, gratuit et accessible en permanence, qui nous permet de nous apaiser et de mieux vivre au quotidien. A consommer sans modération !

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Source : Magazine Cerveau&Psycho n°103 - octobre 2018 - "Un souffle si apaisant", par Christophe André.

Bibliographie

A. Doll, Mindful atten­tion to breath regulates emotions via increased amygdala- prefrontal cortex connectivity, NeuroImage, vol. 134, pp. 305-313, 2016.

R. Jerath et al., Self-Regulation of breathing as a primary treatment for anxiety, Applied Psychophysiology and Biofeedback, vol. 40, pp. 107-115, 2015.

H. J. Tsai et al., Efficacy of paced breathing for insomnia : Enhances vagal activity and improves sleep qua­lity, Psychophysiology, vol. 52, pp. 288-396, 2014.

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